Reportage

Ski

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Freeride à La Grave mars 2021

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Et de quatre ! …

Ne dérogeant pas à la règle désormais bien établie dans l’univers sportif amateur, notre beau programme construit avec tant de passion a été saccagé par la faute d’un virus à tête couronnée dont le nom rappelle étrangement une marque réputée de boisson fermentée à base de malt, de houblon, de levure et d’eau. Si dans l’inconscient collectif, la Corona suggère plutôt des moments festifs, il en est tout autrement de la bestiole dont il est question ici. La farandole des annulations et reports a balayé l’essentiel des événements programmés. Comme toutes les autres disciplines sportives amateurs, le ski est victime de la punition épidémique. Jusqu’alors, seules les sorties en mesure de pouvoir s’affranchir des remontées mécaniques ont pu sauver l’apparence. Un effet bien symbolique au regard des effectifs en jeu, néanmoins crucial pour le rayonnement et la survie de la section.
La crise sanitaire vient de fêter sa première année. Bien loin l’idée de sortir Champagne et cotillons. Augurons que ce sera la dernière. Pourtant, depuis le retour des vacances de Noël, en dépit d’une campagne de vaccination annoncée avec fracas, la situation reste incertaine, les courbes s’érigent, l’équilibre est précaire, les annonces sont graves, nous sommes sur le fil. La désormais traditionnelle conférence de presse hebdomadaire de Jean Castex est attendue avec fébrilité. A quelle sauce allons-nous être mangés ? …
Ouf ! Nous y échappons cette fois encore. Les restrictions de liberté annoncées ne nous concernent pas pour le moment. Nous allons pouvoir y aller. Notre sortie à La Grave nous tend alors les bras. Profitons-en, ce sera encore ça de pris que la Covid ne nous prendra pas … Chouette, youpi, etc…

Nous étions douze joyeux inscrits à l’événement initialement prévu sur le thème du freeride (Hors piste avec accès mécanisés). La non remise en service des remontées mécaniques a naturellement eu pour conséquence de faire basculer le programme de la sortie sur de la randonnée à ski. Si les amateurs du genre se sont frotté les mains, ce ne fut malheureusement pas le cas des personnes « allergiques » au concept, n’imaginant pas une seconde évoluer en skis autrement que par gravité … Comme on les comprend ! Par voie de conséquence, de douze, l’effectif a fondu (comme neige au soleil) à cinq !... Dommage ! On fera avec.
Il en fallait donc de la détermination pour mener à bien cette 4ème sortie Ski Tonic. S’adapter au couvre-feu 18h, aux contraintes sanitaires, à l’hôtellerie sans restauration, au freeride sans remontées mécaniques, à la baisse drastique de l’effectif, et puis maintenant, la cerise sur le gâteau, à l’annonce d’une météo catastrophique sur les trois jours !... L’avenir nous montrera finalement que les prévisionnistes s’étaient un peu égarés (mais pas complétement).

Si notre camp de base était situé à La Grave, comme de coutume au très apprécié hôtel Le Castillan, conditionné par les opportunités de terrain et météo du moment, notre espace d’expression s’est étendu bien au-delà. En l’occurrence, la vallée de la Guisane, les portes du Queyras, La Meije auront été nos terrains de jeu.
Samedi. Temps ensoleillé et vent faible. Pierre, notre guide, nous a promis d’excellentes conditions sur Pointe de l’Etendard. Ce sera alors notre objectif de la journée. Départ du Lauzet dans la vallée de la Guisane quelques kilomètres après le col du Lautaret en direction de Briançon. Engagement dans la vallée du Fontenil, ascension de la Pointe de l’Etendard avec une fin de progression se caractérisant par une pente bien prononcée. Au total, D+1400m. Redescente tip top dans des conditions de neige extraordinaires. Pierre ne nous avait pas menti. "Pas son genre", nous a-t-on dit ! ...
Dimanche, temps globalement ensoleillé. Un vent fort est annoncé dans la vallée de la Guisane. Notre itinéraire partira alors de Laus à quelques encablures au Sud de Cervières en direction du col de l’Izoard. Le vent devrait y être moins offensif. Ascension de col de Côte Belle, redescente, remontée ensuite sur col Perdu, puis, à l'étage du dessus, sur la pointe de l’Arpelin pour au global, un bon D+1300m. Redescente magnifique face Nord dans de vastes champs de neige vierge, légère, profonde et manœuvrante, avant de basculer dans la forêt de mélèzes. Nous avons déjà connu pire journée !... Il y a des signes qui ne trompent pas. Au retour, les visages sont rayonnants, l’œil brille, le verbe s'affirme prolixe, haut et jovial, les zygomatiques sont mis à l’épreuve…
Lundi. Vent et grosses précipitations neigeuses attendus toute la journée. Conditions en phase avec les prévisions évoquées précédemment. Jour blanc. La quête de visibilité nous motivera à circonscrire nos espaces d’évolution à la forêt de mélèzes. Nous resterons sur La Grave. Au programme, ascension jusqu’à la gare N° 2 du téléphérique en rade, dite P2, soit environ D+1000m. Redescente extraordinaire sur un terrain immaculé, profond, doux, léger et tolérant. Filant avec célérité, laissant trainer un interminable panache blanc, arborant ainsi des allures de comètes écervelées, nous y évoluons en proie à des sensations puissantes, rarement vécues sur terre. Libérés un instant de l'emprise gravitationnelle, abandonnant momentanément notre fardeau de mortels, nous voici, le temps de l'illusion, astronautes. Le sentiment de voler domine, les impressions sont fortes, magiques, difficiles à décrire…
Les conditions climatiques rudes de la journée n’ont pas eu raison de notre grande joie à rider ce terrain exceptionnel. Comme il n'est pas rare de l'affirmer après avoir pratiqué le lieu, nous en garderons un souvenir bien marqué, pour certains d'entre-nous, inaltérable. Avouons, que dans ces circonstances rarissimes, nous aurions quand-même grandement apprécié le fonctionnement du téléphérique qui nous aurait permis de réitérer sans trop d'efforts ces instants magiques…

En dépit de toutes les inquiétudes et difficultés d’organisation, ce fut encore une bien belle sortie, la quatrième consécutive, que la Covid n’aura pas su nous confisquer. Et il était temps, car au moment où j’écris ces lignes, Jean Castex vient d’annoncer la remise sous cloche de seize départements dont ceux de l’Ile de France. Cette fois, on y a droit. Un confinement 7/7 avec restriction de déplacement à 10 km autour de chez soi. Interdiction donc de quitter sa région pour une durée estimée à quatre semaines minimum … Toute justifiée qu’elle puisse être, cette décision aura finalement eu raison de notre ultime sortie Ski Tonic, un raid de cinq jours dans le Queyras. Pas grave. En supposant que le massif n’ait pas disparu d’ici là (on ne s’étonne désormais plus de rien…), on le reprogrammera pour la saison prochaine. Ce ne sera que la troisième tentative… A n’en pas douter, celle-ci sera la bonne… ou pas.
Pour conclure cette saison inédite et particulière, nous pouvons affirmer que les amateurs de randonnée à ski ont été étonnamment chanceux cette année. Avec quatre sorties sur cinq réussies, des conditions de neiges souvent exceptionnelles, en oubliant les désagréments inhérents aux contraintes sanitaires, la saison frôlait scandaleusement la perfection. Le monde appartenait ainsi aux skieurs qui se levaient tôt, amateurs de bavantes. Pour les autres, ce fut la misère, l'infortune, la déconvenue, la désolation, la disette, la dèche, la panade, la mouise. Une saison blanche. La deuxième consécutive. Plus blanche que blanche, donc. Qu’ils se rassurent néanmoins, nous le promettons, nous ferons mieux la prochaine fois… Précisons que ces propos ne nous engagent pas outre mesure car, faire pire parait pour le moins impossible.

A bientôt.
Chonch’